Sur la scène minière mondiale, le nom de Simandou évoque depuis longtemps l’image d’une richesse inexploitée. Situé au sud-est de la Guinée, ce vaste gisement de fer figure parmi les plus grands jamais découverts. L’importance des réserves suscite de nombreux espoirs, aussi bien du côté des autorités guinéennes que de leurs partenaires étrangers. Mais au-delà des chiffres, l’économiste et journaliste Alex Bedu, du service économie de RFI, adopte une perspective plus mesurée quant aux bénéfices réels que le pays peut en tirer.
L’histoire de Simandou remonte aux années 1970. Pendant des décennies, les projets d’exploitation ont été freinés par une série d’obstacles : litiges juridiques, tensions entre entreprises, accusations de corruption, changements de gouvernements. Le dossier est complexe, mêlant enjeux géopolitiques et intérêts industriels. La situation a commencé à changer à partir de 2019, lorsque les blocs 1 et 2 ont été attribués à Winning Consortium Simandou, ouvrant la voie à une reprise des travaux.
L’arrivée de la junte militaire en 2021 a entraîné une réévaluation des conditions contractuelles. L’État guinéen cherche à mieux valoriser ses ressources naturelles. En 2022, l’entrée en jeu du géant chinois Baowu, via un investissement structurant, a marqué une nouvelle étape. L’objectif est de réaliser le projet en construisant des infrastructures lourdes, comme une voie ferrée de plus de 600 kilomètres et un port en eaux profondes. Un défi industriel à la hauteur du potentiel du site.
Alex Bedu met toutefois en garde contre une vision trop optimiste. Lors d’une récente intervention sur RFI, il souligne le manque de transparence qui entoure encore certains accords passés entre l’État guinéen et les investisseurs. Le gouvernement prévoit des recettes fiscales de 700 millions de dollars par an. Mais selon le journaliste, les retombées pour les finances publiques pourraient rester modestes à court terme. La prudence s’impose en raison des coûts initiaux, de la fiscalité applicable et de la montée en puissance progressive des opérations.
Le chantier logistique constitue un autre facteur clé. Transporter le minerai depuis l’intérieur du pays jusqu’à la côte nécessite des infrastructures énormes. L’impact réel sur l’économie nationale dépendra aussi du degré d’intégration locale, de la création d’emplois, et des modalités de partage des revenus.
Le projet Simandou avance. L’implication d’acteurs internationaux confirme son intérêt stratégique. Mais comme le rappelle Alex Bedu, rien n’est acquis d’avance. Pour que la Guinée transforme cette ressource naturelle en moteur de développement, transparence, gouvernance et équité doivent guider chaque étape du processus.