Crise minière : le Mali met en vente une tonne d’or pour sauver Loulo-Gounkoto

Jules Boa
Jules Boa juillet 10, 2025
Updated 2025/07/10 at 4:23 PM

Mali : le gouvernement vend une tonne d’or de Loulo-Gounkoto pour revitaliser le secteur minier

Pour financer la remise en marche du site aurifère de Loulo-Gounkoto, l’État malien a décidé de céder une tonne d’or issue des réserves existantes. Cette vente, évaluée à environ 107 millions de dollars, a pour but de couvrir les dépenses urgentes, telles que le versement des salaires, l’achat de carburant, et le règlement des dettes envers les sous-traitants. L’annonce survient alors que l’usine a progressivement repris ses activités après environ six mois d’inactivité.

À la tête de cette relance temporaire, Soumana Makadji, ancien ministre de la Santé, a été nommé administrateur judiciaire du site par les autorités maliennes à la suite d’une décision du tribunal de Bamako le 16 juin.

La réactivation de la mine intervient dans un contexte tendu entre le Mali et la société canadienne Barrick Mining. En janvier, l’entreprise avait suspendu ses opérations après que le gouvernement malien a bloqué ses exportations et saisi trois tonnes d’or, en raison d’un désaccord sérieux sur la réforme du code minier de 2023.

Cette nouvelle législation augmente la part des revenus miniers revenant à l’État et renforce la fiscalité pour les entreprises étrangères, ce que Barrick perçoit comme une application rétroactive violant les accords antérieurs. La compagnie a engagé une procédure d’arbitrage international, affirmant son intention de protéger ses investissements par tous les moyens légaux disponibles.

Bien que l’usine soit à nouveau opérationnelle, un retour à la normale dans la production pourrait nécessiter au moins quatre mois. Les défis demeurent nombreux : accès restreint aux systèmes informatiques par Barrick, salaires impayés pour une partie des travailleurs locaux, et incertitudes quant au retour des opérateurs expatriés, notamment ceux des équipements lourds.

Mark Bristow, PDG de Barrick, a exprimé ses doutes quant à la capacité de l’administrateur judiciaire à gérer efficacement la mine, affirmant que cette administration pourrait sérieusement compromettre l’avenir du site. Par précaution, Barrick a retiré Loulo-Gounkoto de ses prévisions de production pour 2025, malgré le fait que ce soit leur deuxième site le plus rentable, après Carlin (Nevada).

Autre sujet préoccupant : le permis d’exploitation actuel expire en février 2026. Depuis quatre mois, une demande de renouvellement a été soumise, mais les autorités maliennes n’ont toujours pas apporté de réponse. Cette incertitude fragilise encore la position de Barrick dans un contexte déjà tendu.

Cette crise reflète une tendance régionale où les gouvernements militaires au Mali, au Niger et au Burkina Faso cherchent à revoir à leur avantage la répartition des revenus miniers, s’appuyant sur l’augmentation spectaculaire des prix de l’or (+25 % depuis janvier, avec un pic à 3 500 $ l’once en avril).

À l’inverse, d’autres pays comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana privilégient des réformes plus progressives, visant à améliorer la gouvernance et renforcer la régulation du secteur aurifère. Par exemple, le Ghana a créé un groupe de travail spécial contre la contrebande et mis en place une entité nationale, GoldBod, pour centraliser la gestion du commerce de l’or.

La décision du Mali de vendre une tonne d’or provenant d’un site encore sous licence d’un opérateur étranger pourrait établir un précédent préoccupant pour les investisseurs dans l’industrie minière en Afrique de l’Ouest. Cela illustre l’ingérence directe de l’État dans la gestion d’actifs stratégiques, et pourrait redéfinir les règles du jeu dans les relations entre gouvernements et multinationales.

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