Conflit fiscal au Mali : Barrick Gold contraint à la fermeture

Jules Boa
Jules Boa avril 16, 2025
Updated 2025/04/16 at 10:16 AM

Le secteur minier malien connaît de nouvelles perturbations. La fermeture par les autorités fiscales des bureaux de Barrick Gold, un géant canadien de l’or, met en lumière les tensions croissantes entre l’État et les multinationales présentes dans le pays. En arrière-plan : une volonté affirmée de souveraineté économique et un nouveau cadre législatif qui bouleverse le secteur de l’or.

Une situation houleuse autour de Loulo-Gounkoto

Mardi dernier, la Direction générale des Impôts du Mali a ordonné la fermeture des bureaux de l’entreprise à Bamako, accusant celle-ci de ne pas avoir payé ses impôts, un montant s’élevant à plusieurs centaines de millions de dollars. Cette décision radicale s’inscrit dans un conflit juridique et politique qui s’est intensifié avec la réforme du code minier de 2024.

Le complexe de Loulo-Gounkoto, situé à l’Ouest du pays, est au cœur des tensions. Cette mine d’or, l’une des plus importantes d’Afrique, est détenue à 80 % par Barrick Gold, le reste appartenant à l’État malien. Depuis janvier, les activités y sont suspendues après que les autorités locales ont saisi trois tonnes d’or. L’exportation du métal est arrêtée et quatre employés maliens de la société sont toujours détenus depuis novembre.

Un nouveau cadre législatif contesté

La réforme du code minier, introduite par la junte en 2024, marque un tournant décisif. Le Mali souhaite réviser les règles et imposer de nouvelles obligations fiscales aux exploitants. Problème : l’État veut appliquer cette réforme de manière quasi rétroactive, ce que contestent vigoureusement les entreprises minières, Barrick en tête. « C’est ce point précis qui bloque les négociations », indique une source du ministère des Mines.

Les tensions se sont encore exacerbées lorsque des mandats d’arrêt ont été émis en décembre contre Mark Bristow, PDG sud-africain de Barrick, et le directeur général malien du complexe. Ils sont accusés de blanchiment d’argent, alors qu’un accord financier semblait avoir été trouvé en février avec le ministère de l’Économie.

Accord suspendu, tensions prolongées

Selon Barrick Gold, un protocole avait été négocié et validé par les autorités économiques, incluant un versement de 85 millions de dollars en octobre dernier. Cependant, la signature officielle se fait attendre. L’entreprise dénonce des pressions internes : « Un petit groupe bloque l’accord pour des intérêts personnels ou politiques », affirme-t-elle.

Parallèlement, le groupe doit régler des frais de justice de plus de 15 milliards FCFA (environ 36 millions de dollars canadiens). La compagnie affirme qu’elle reste engagée dans un dialogue constructif, mais est prête à saisir les juridictions internationales si la situation ne se débloque pas.

Un enjeu économique stratégique pour le Mali

Pour le Mali, l’enjeu est crucial. L’or représente près de 25 % des recettes budgétaires du pays. Dans un contexte de gouvernance militaire depuis 2020 et 2021, les autorités ont fait de la lutte contre l’évasion fiscale et de la réappropriation des ressources naturelles une priorité nationale.

À travers cette confrontation, le pays cherche à redéfinir sa souveraineté économique face aux grandes puissances minières étrangères. Toutefois, cette stratégie de bras de fer pourrait aussi décourager les investissements dans un secteur vital pour l’économie malienne.

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