Une récent information a brièvement captivé l’attention des milieux pétroliers et géopolitiques : la découverte prétendue d’un vaste gisement pétrolier estimé à plus d’un milliard de barils au large des côtes marocaines, dans une zone maritime située entre Agadir et les îles Canaries. Relayée par de nombreux médias, cette nouvelle laissait entrevoir une révolution stratégique pour le Royaume chérifien dans la quête des hydrocarbures. Mais en dépit de cette effervescence, la réalité s’avère beaucoup moins impressionnante.
Une rumeur basée sur une interprétation précipitée de données techniques
Tout a commencé avec un document technique diffusé par Europa Oil & Gas, une entreprise britannique impliquée dans l’exploration pétrolière. Ce rapport, conçu pour séduire de potentiels investisseurs, évoquait des ressources théoriques (Pmean) évaluées à 1,67 milliard de barils, réparties sur cinq zones potentielles dans le permis offshore d’Inezgane.
Cependant, d’après Jorge Navarro, vice-président de l’Association des géologues et géophysiciens espagnols du pétrole (AGGEP), cette estimation ne prouve en aucun cas l’existence d’un gisement confirmé. Il s’agit de projections établies à partir de modèles géologiques, fondées sur des indices indirects sans aucun forage concret à ce jour. Aucun puits d’exploration n’a été foré, et aucune entreprise n’a encore entrepris de financer les opérations nécessaires pour vérifier la présence d’hydrocarbures exploitables.
L’exploration pétrolière : un pari à haut risque
Les promesses de gisements exceptionnels suscitent l’intérêt, mais la réalité sur le terrain est tout autre. L’exploration pétrolière offshore est l’un des secteurs les plus coûteux et les plus risqués de l’industrie énergétique. Avant d’espérer exploiter un puits, les entreprises doivent investir plusieurs centaines de millions de dollars dans des études sismiques, forages d’essai et tests de production.
Dans le cas du permis d’Inezgane, situé dans une zone encore peu explorée, les incertitudes sont nombreuses. Ni les infrastructures existantes, ni le climat d’investissement actuel ne permettent d’assurer une rentabilité immédiate. Le taux de succès moyen des forages exploratoires offshore est inférieur à 20%, selon les données de l’International Association of Oil & Gas Producers (IOGP).
Une zone géologiquement prometteuse… mais spéculative
Le bassin d’Inezgane n’est pas inconnu des compagnies pétrolières. Il est perçu comme intéressent sur le plan géologique, avec une structure tectonique analogue à d’autres zones pétrolières de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, cette perspective reste purement spéculative tant qu’aucun forage n’a confirmé la présence d’une accumulation d’hydrocarbures en quantités économiquement viables.
Le problème n’est donc pas l’absence d’indices géologiques, mais plutôt l’interprétation trop rapide des données prospectives, ces estimations probabilistes souvent confondues avec des réserves prouvées. Une telle confusion peut affecter significativement la perception publique et les marchés.
Une prudence nécessaire en période de transition énergétique
En cette époque où la transition énergétique impose une réduction des investissements dans les énergies fossiles, développer de nouveaux gisements devient un sujet particulièrement délicat. Les investisseurs comme les gouvernements s’interrogent sur la viabilité à long terme des projets pétroliers, notamment dans des zones politiquement ou écologiquement sensibles.
Dans ce contexte, chaque annonce doit être abordée avec prudence. Un gisement de 1 milliard de barils est une possibilité, non une certitude. Sans engagement industriel pour forer, tester, et produire, cela reste un chiffre sur le papier.