Dans les riches terres aurifères de Kédougou, une région du Sénégal souvent négligée, un nouvel épisode se dessine entre l’État et les grandes entreprises d’extraction. Petowal Mining Company, acteur majeur de l’industrie aurifère nationale, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une affaire retentissante. Au cœur du problème : une dette fiscale évaluée à 16 milliards de FCFA, révélée par des enquêtes coordonnées de la Douane et de la Direction générale des Impôts.
Cette dette n’est pas simplement le résultat d’une erreur comptable. Elle met en lumière des pratiques élaborées d’optimisation fiscale, impliquant des transferts d’argent vers Bambuk Minerals Limited, une société basée à l’île Maurice. Ce montage international aurait permis de soustraire plus de 8 milliards FCFA de dividendes, sans aucun retour vers le Trésor sénégalais.
Un modèle économique remis en question
Le scandale ne se limite pas au domaine fiscal : il met en évidence l’inefficacité des moyens de contrôle face à des opérateurs mondiaux expérimentés. Les termes contractuels complexes, les structures d’entreprises opaques et le recours aux paradis fiscaux renforcent un système d’extraction où l’État, bien que propriétaire de droits, demeure marginalisé.
Dans la commune de Mako, où Petowal opère, les habitants continuent de faire face à une pauvreté persistante : infrastructures dégradées, absence de services de santé, pollution due aux résidus cyanurés. Une réalité qui contraste avec les promesses de développement inclusif souvent évoquées dans les accords miniers.
Une opportunité de changement pour le Sénégal
L’affaire Petowal pourrait être cruciale : un procès est attendu, susceptible de créer un précédent juridictionnel régional. Elle souligne également la nécessité impérieuse de réinterroger le modèle d’extraction en Afrique de l’Ouest.
Ce scandale expose les faiblesses des conventions minières actuelles, souvent conçues pour protéger les intérêts des investisseurs au détriment du bien commun. Il appelle à une refonte complète :
- Révision des conventions minières dépassées
- Mise en place de mécanismes de transparence sur les véritables bénéficiaires
- Contrôle citoyen et participation des collectivités locales
- Combat contre la fraude fiscale et les mouvements financiers illégaux
- Récupération de la souveraineté sur les ressources naturelles
Dans un contexte de changement politique, le Sénégal est à un tournant. Cette affaire est un appel clair à réaffirmer la souveraineté économique. Les ressources du pays doivent prioritairement bénéficier à ses citoyens, plutôt que d’enrichir les comptes offshore de conglomérats internationaux.
L’or de Kédougou n’est pas simplement une ressource : c’est un symbole. Un test. Celui de la capacité de l’État à reprendre le contrôle de ses richesses et à rétablir la justice économique pour le bien-être du plus grand nombre.
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