Les États-Unis ont réalisé que la faille dans laquelle le gaz naturel liquéfié (GNL) pouvait facilement se glisser était une réalité. Ils ont réussi à devenir le premier exportateur mondial de GNL, en grande partie grâce aux importations européennes, dépassant le Qatar et l’Australie. L’exportation en 2023 s’est élevée à 88,9 millions de tonnes métriques, soit 122 milliards de mètres cubes. La domination des États-Unis devrait s’étendre en forant de nouveaux puits et en construisant de nouveaux terminaux de liquéfaction.
En août 2022, les prix du gaz naturel ont augmenté jusqu’à 340 euros par mégawattheure (€/MWh) en raison de la pression et du chant de Vladimir Poutine. La fermeture du gazoduc Yamal-Europe qui traverse la Pologne, ainsi que la diminution du débit de Nordstream et la non-mise en service de Nordstream 2 ont contraint les européens à se tourner vers le gaz russe en partie. Si l’on l’achète moins de 180 €/MWh, cela réduit la demande intérieure de 15 %. Différent en raison de son extraction plus carbonée, de son état liquide et de son transport, qui a donc pu satisfaire l’appétit de l’ogre européen en manque de gaz ? Les réponses sont les États-Unis et, dans une mesure plus large, la Russie.
Environ 80 mmc de GNL américains ont filé directement vers l’UE, contre 20 mmc de GNL russes. Selon Challenges, les États-Unis produisent 18 % du GNL mondial. Sa domination ne cessera de s’étendre : ils construiront 5 de leurs terminaux de liquéfaction dans les prochaines années pour atteindre une production de 128 millions de tonnes.
Ce gaz nécessite un terminal méthanier lors de son déchargement pour le gazéifier et ensuite l’injecter sur le réseau métropolitain, malgré son avantage d’être plus dense énergétiquement (car il est liquéfié en dessous de 160 °C). Il y a cinq terminaux en France qui sont en état de fonctionnement, dont un a été construit en cas d’urgence cette année. Même si l’Espagne possède la plus grande capacité d’importation de GNL, ce pays est mal connecté à l’UE pour l’acheminer au marché intérieur. La France a donc servi de principale porte d’entrée du GNL américain.
Les États-Unis sont en retard de dix ans par rapport à leur rival Qatari dans la course au GNL car ils ont découvert du gaz de schiste. Un liquide est injecté dans le sous-sol pour fissurer les roches poreuses contenant le sésame précieux. Depuis 2011 , la France interdit la fracturation hydraulique en raison de son impact polluant et destructeur. Selon Carbone4, l’énergie consommée pour forer et les fuites de méthane qui accompagnent l’ouverture du puits émettent 2 à 3 fois plus de gaz effet de serre que le gaz conventionnel.
Une déclaration commune entre l’Union européenne et la Commission européenne vise à importer 50 milliards de mètres cubes de gaz naturel américain en raison de la baisse des prix du gaz. Selon Food & Water Action Europe, une organisation non gouvernementale spécialisée dans l’environnement, cela entraînerait une production annuelle d’environ 400 millions de tonnes métriques d’équivalent CO2, soit environ 100 centrales à charbon. Sur le plan économique, le GNL américain reste jusqu’à huit fois moins cher qu’en Europe. En ce qui concerne le marché, le coût du gaz n’a pas diminué par rapport à avant la crise, car le marché des gazoducs russes est actuellement sous la domination du GNL.
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